Décret tertiaire : ce que les propriétaires de bâtiments doivent anticiper

Paul Emond
Paul Emond
Journaliste indépendant pour cat29.fr

Le secteur tertiaire représente une part significative des émissions de gaz à effet de serre en France. Face à l’urgence climatique, le gouvernement a mis en place un cadre réglementaire ambitieux pour réduire l’empreinte environnementale des bâtiments. Le dispositif Éco-Énergie Tertiaire, constitue un pilier majeur de cette stratégie nationale. Il impose en effet des objectifs de diminution des besoins en énergie, avec des échéances précises et des obligations déclaratives. Découvrez ici tout ce que vous pouvez savoir sur cette mesure.

Identifiez les bâtiments soumis à l’obligation de réduction énergétique

Le décret tertiaire concerne un large éventail de structures, qu’elles soient publiques ou privées. Sont assujettis à cette réglementation tous les bâtiments hébergeant des activités tertiaires sur une surface cumulée égale ou supérieure à 1000 m². Les propriétaires et exploitants d’immeubles à usage mixte doivent également se conformer au décret tertiaire si la partie réservée aux pratiques professionnelles dépasse ce seuil de 1000 m². De même, un ensemble d’édifices situés sur une même unité foncière est touché dès lors que la surface cumulée des activités atteint cette superficie.

Les activités englobent un large spectre, incluant :

  • les bureaux,
  • les commerces,
  • les établissements d’enseignement,
  • l’hôtellerie-restauration,
  • les équipements sportifs et culturels,
  • les centres logistiques,
  • les gares et data centers.

Selon les estimations, environ 68 % du parc tertiaire français est concerné par cette réglementation. Certaines exceptions existent néanmoins. Les constructions provisoires, les lieux de culte ainsi que les bâtiments dédiés à la défense et à la sécurité ne sont pas soumis aux obligations de l’arrêté. Les propriétaires doivent donc réaliser un inventaire précis de leur patrimoine immobilier pour identifier les bâtis ciblés et planifier les actions nécessaires.

Quels sont les objectifs fixés par le décret tertiaire à l’horizon 2030, 2040 et 2050 ?

Le dispositif Éco-Énergie Tertiaire établit un calendrier ambitieux pour la diminution de l’utilisation de l’énergie. Les buts sont définis par décennie, avec trois échéances clés : 2030, 2040 et 2050. Deux méthodes de calcul sont proposées pour atteindre ces finalités, laissant aux gestionnaires la possibilité de décider de celle qui est la plus appropriée à leur situation. La première approche repose sur une valeur relative, avec des réductions progressives par rapport à une année de référence choisie, qui ne peut être antérieure à 2010. Dans ce cadre, les bâtiments doivent diminuer leur consommation de 40 % d’ici à 2030, 50 % d’ici à 2040 et 60 % d’ici à 2050. Cette technique est particulièrement adaptée aux édifices énergivores, pour lesquels les marges de progression sont significatives.

La seconde démarche s’appuie sur des données, exprimées en kWh d’énergie finale par m² et par an. Ces seuils sont fixés par décret pour chaque catégorie d’activité et tiennent compte de différents paramètres comme la zone géographique, l’altitude ou les spécificités d’usage. Le calcul s’effectue en additionnant deux composantes : la CVC (liée à l’ambiance thermique générale) et l’USE. Plusieurs arrêtés ont déjà été publiés pour préciser ces valeurs selon les typologies d’immeubles : établissements d’enseignement, centres hospitaliers, structures médico-sociales, ou entrepôts logistiques.

Pour les bureaux standards, par exemple, la valeur absolue moyenne se situe autour de 107 kWh/m²/an. Dans certains cas, une modulation des objectifs peut être accordée, notamment pour des raisons techniques, architecturales, patrimoniales ou économiques. Ces demandes doivent cependant être justifiées et déposées avant le 30 septembre 2027.

Mettez en place un plan d’action pour respecter les échéances

Pour réussir ce processus, vous devez réaliser un audit approfondi des bâtiments concernés. Cette analyse permet d’identifier les principales sources de consommation et les gisements d’économies potentiels. Les interventions sans travaux immobilisant sont souvent les premières actions à mettre en œuvre. Ces « quick wins » peuvent générer des réductions significatives avec un investissement limité. L’optimisation des dispositifs de chauffage, ventilation et climatisation (CVC), qui représentent en général une part importante de l’utilisation de l’énergie, figure parmi les priorités. Des solutions comme l’installation de protections solaires passives ou l’ajustement des plages de fonctionnement des équipements aident à réduire rapidement les besoins énergétiques.

Pour les économies plus substantielles, des opérations de rénovation doivent être planifiées. L’isolation thermique, le remplacement des appareils énergivores ou la pose de systèmes de gestion technique du bâtiment constituent des dépenses conséquentes, mais nécessaires pour atteindre les objectifs à long terme. Ces interventions doivent être intégrées dans une stratégie d’investissement pluriannuelle, avec une priorisation des actions en fonction de leur rapport coût-efficacité.

Renseignez et transmettez les données sur la plateforme OPERAT

Pour assurer le contrôle des buts fixés, les propriétaires et gestionnaires doivent déclarer sur le site OPERAT, l’ensemble des informations relatives à leurs immeubles. Cette déclaration doit être effectuée avant le 30 septembre de chaque année pour les consommations de l’année précédente. Les consommations de 2024 devront par exemple être rapportées avant le 30 septembre 2025. Ces renseignements peuvent être obtenus auprès des fournisseurs d’énergie, à partir des factures ou par des systèmes de comptage spécifiques. Pour faciliter cette démarche, plusieurs modalités sont proposées : saisie manuelle sur l’interface utilisateur, import en masse via un fichier CSV, ou délégation à un tiers spécialisé.

Depuis 2023, les entreprises disposant d’une plateforme de suivi énergétique (Energy Management System) peuvent bénéficier d’une passerelle d’échange automatique avec OPERAT, simplifiant considérablement le processus déclaratif. Cette solution permet d’intégrer directement les données entre le dispositif de gestion et le site de l’ADEME. Une fois la déclaration effectuée, OPERAT fournit une attestation annuelle des consommations ajustées en fonction des variations climatiques.

Ce certificat est complété par une mention « Éco Énergie Tertiaire » qui qualifie l’avancement dans la procédure de réduction des besoins en énergie. Ce système de notation, symbolisé par des feuilles, sert à valoriser les efforts réalisés et à identifier les bâtiments les plus performants.

Renseigner les données sur OPERAT

Évitez les sanctions en respectant le cadre réglementaire

En cas de non-transmission des données sur la plateforme OPERAT ou de non-atteinte des objectifs fixés, les autorités procèdent d’abord à une mise en demeure avec un délai de trois mois pour se conformer aux obligations. Si cette première étape reste sans effet, le mécanisme de « Name & Shame » (nommer et faire honte) est activé. Le nom de l’entreprise ou de l’individu concerné est publié sur un site officiel, exposant ainsi publiquement sa non-conformité à la réglementation. Cette publication peut être complétée par des répercussions financières. Une amende administrative de 1 500 € pour les personnes physiques et de 7 500 € pour les personnalités morales.

Au-delà des pénalités directes, le non-respect du décret tertiaire peut aussi avoir des conséquences indirectes significatives. La performance énergétique devient un critère de plus en plus important dans la valorisation des actifs immobiliers. Un immeuble non conforme risque donc de voir sa valeur diminuer et son attractivité réduite sur le marché locatif ou à la vente. Pour éviter ces sanctions, vous devez adopter une approche proactive. Cela implique de réaliser un diagnostic précoce des bâtiments concernés, d’élaborer un plan d’action réaliste et de mettre en place un système de suivi rigoureux des consommations énergétiques.

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